mercredi 5 octobre 2011

Musique de merde et droits d'auteurs

Si vous étiez en France il y a quelques mois, en regardant la télé ou en vous baladant sur internet sans utiliser add-block, vous avez probablement vu ceci :


Pour ceux qui vivaient dans une grotte (ou à l'étranger), résumons. l'Hadopi, c'est la construction administrative française chargée de lutter contre le piratage, et qui s'appuie sur l'idée que les "pirates" contribuent à l'appauvrissement de la création culturelle. Ainsi, le message des trois spots publicitaires (et remerciez moi de ne vous en avoir mis qu'un seul en lien) est simple : si on télécharge aujourd'hui, on assèche tellement la création culturelle et artistique que, dans vingt ans, il n'y aura plus ni musique, ni cinéma, ni littérature.

Cette campagne a été attaquée de toute parts, mais on peut retenir deux principales critiques : une sur le fond, et une sur la forme.

Sur la forme tout d'abord. On a adressé beaucoup de reproches à cette campagne, qui sont pour la plupart regroupés dans la pétition du parti pirate. Ces clips, entre autres choses, instrumentalisent l'image d'enfants (qui n'ont rien à faire là), sont sexistes (filles qui rêvent de monter leurs seins à la télé, garçons qui rêvent de produire des films avec des grosses armes dedans), et surtout (enfin, pas surtout mais c'est de ça dont je voulais parler au départ) elle dicte une représentation formatée de la création artistique.

Parce que je ne sais pas pour vous, mais si la Hadopi sert à privilégier la création de ce type de musique, ça me donnerais plutôt envie d'aller prendre des abonnements payants sur des sites de téléchargement, histoire d'accélérer leur mort (lente et dans d'atroces souffrances) ...

Sur cette critique, la direction de la Haute Autorité, en la personne de sa présidente, Marie-Françoise Marais a répondu. En fait, nous n'avons pas compris cette campagne,  c'était de l'humour et du second degré. On a fait exprès de choisir des créations culturelles toutes pourrie pour faire un décalage, qu'est-ce que vous croyez ? Et puis que l'important, c'est que le grand public apprenne l'existence et le rôle de l'HADOPI.

Bien, donc Emma Leprince est caricaturale, et rien de tel n'existe dans la vie réelle. Jamais une maison de disque sérieuse ne produirait une bouse pareille.


bien bien bien. Justin Bieber.

Sinon tout à l'heure en procrastinant je suis tombée sur ça :


Ça, donc, qui malgré sa ressemblance flagrante avec le célèbre Let's Go to the Mall (qui au moins, fait rire les spectateurs de How I Met Your Mother), semble cette fois bien réel.

Voilà voilà. Sinon les distributeurs de musique ne nous prennent pas du tout pour des abrutis.

La critique sur le fond de cette campagne, et sur l'existence même de la HADOPI, porte quant à elle sur la définition du droit d'auteur. Selon l'HADOPI (administration dans laquelle les majors sont très bien représentées), les droits d'auteurs et l'exclusion de l'œuvre du domaine public est la pierre angulaire de création artistique, et que, sans droit d'auteurs, pas de culture. C'est comme ça.

On conseillera donc aux tenants de cette théorie d'aller lire avec profits différents articles d'OWNI, mais si vous devez en lire qu'un seul, essayez celui-ci qui permet entre autre chose d'apprendre que le droit d'auteur, lorsqu'il a été créé, excluait l'œuvre du domaine public pour trois ans, et que cette durée augmente en fonction de l'âge de Mickey (en fait, dés que Mickey menace de tomber dans le domaine public, la durée des droits d'auteurs est prolongée. On est aujourd'hui à 70 ans d'exclusivité avant de tomber dans le domaine public, on parle d'aller jusqu'à 90). 
Le dernier podcast d'Écrans.fr (et pas l'ultime, pitié, revenez!) aborde également la question avec une très longue interview de Benjamin Bayard. On y apprend notamment que, si l'HADOPI répond aux critique sur le forme de leur campagne, elle refuse toute dialogue concernant les questions de fonds comme celle des droits d'auteurs, des licences libres et, plus généralement des libertés numériques. 

Probablement parce qu'on aborderait là des sujets un peu plus fondamentaux, qui pourraient amener les gens à réfléchir (ce qui est, comme chacun sait, très dangereux).

Alors je vais sans nul doute continuer à télécharger mes séries préférées. Principalement parce que :

- elles ne sont pas diffusées en France, ou alors n'importe comment, dans le désordre et avec une VF infâme. [edit : des frémissements laissent supposer un changement]
- que l'offre légale répertoriée par l'HADOPI est lamentable
- que l'alternative Itunes est décevante (limitée en fonction du pays, et illisible sur un autre support que mac)
- parce que, quand je suis au Québec, je n'ai pas la télé
- parce que je n'ai pas les moyens d'acheter tout les dvds
- parce qu'on est loin de trouver lesdits dvd facilement en bibliothèque (un chouette concept ça, la bibliothèque, un accès gratuit et illimité à la culture). 

Mais au lieu de payer pour du téléchargement illégal (sans rire...), je vais plutôt aller donner des sous à la Quadrature du Net, qui veille efficacement à la défense de nos libertés (numériques en premier lieu, mais les autres y sont très liées), au niveau français et européen, et qui risque de mourir faute de financement. Et ici il y a une interview du porte-parole de la Quadrature du Net, pour ceux qui préfèrent écouter plutôt que lire tout le site.


[Tout ça parce que je suis tombée sur cette affligeante vidéo et que je me suis dit que non, on pouvait pas laisser dormir au fond de Youtube...]