Bon, au moins, j'avais bien prévenu que ce blog allait être très calme pendant quelque temps, ça se vérifie...
Si je vous raconte ma vie, ça risque d'être quelque peu ennuyeux. Je suis arrivée en France, et suis donc passé d'une fin d'hiver québécois qui ressemblait furieusement à un hiver français, à un été précoce. En clair, que je suis passée de la neige qui tombait derrière les fenêtres de la bibliothèque aux heures de glandouille dans l'herbe en quelques jours, et que suis encore tout euphorique de ce changement. (Là, mes 3 lecteurs européens se disent que oui, bon, il fait beau quoi, et les 4 Canadiens me haïssent.)
L'autre activité de mon existence actuelle (hormis me choper des allergies au soleil, question d'équité cosmique) consiste à prendre dans les 500 photos d'archives par jours, activité ô combien épanouissante, vous en conviendrez (en plus, ça fait MAL au dos).
Rien de bien passionnant, vous en conviendrez. Je vais donc plutôt relayer cet appel, intitulé je vais bien, merci, de la part des filles des 343 salopes.
Point histoire :
Le manifeste des 343, comme le rappel Wikipédia (j'ai des sources fantastiques) est une pétition, parue dans le Nouvel Observateur en 1971. Rédigé par Simone de Beauvoir, le texte réclame, tout simplement, le droit à l'avortement. Il est signé de 343 femmes, dont des personnalités telles que Catherine Deneuve, Françoise Sagan ou encore Nadine Trintignant.
Pourquoi « salopes » ? C'est une blague parue dans Charlie Hebdo la semaine suivante qui fait que le qualificatif est resté.
Ce texte est un élément important du combat féministe pour le droit à l'avortement en France, dans les années 1970 (droit obtenu en 1975).
Or, même si on dispose en France depuis 1975 du droit à l'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG), ce n'est pas encore facile. Les médecins manquent (ceux qui pratiquaient l'avortement par militantisme arrivent aujourd'hui à l'âge de la retraite), il n'y a pas vraiment de relève, pour différentes raisons. D'une part, l'IVG est un acte médical qui n'est valorisé ni socialement (« médecin avorteur » est un titre qui se porte mal en société) ni financièrement. D'autre part, les médecins n'y sont pas formés. La loi de 1975 permettant de surcroît au médecin de ne pas pratiquer cet acte sous couvert de la « clause de conscience », cette fameuse clause sert parfois d'échappatoire pour ne pas apprendre le geste médical (jugé inintéressant et/ou peu lucratif).
Et puis, dans un monde où aujourd'hui la contraception est plus facilement disponible, et où la lutte pour la libération des femmes est devenue celle de la parité, la question de l'avortement fait un peu désordre... on n'aime pas que les femmes y aient toujours recours... Et se multiplient, d'année en année, des discours qui commencent par affirmer bien haut que non non et non, on ne reviendra pas sur le droit à l'IVG mais que tout de même, toutes ces femmes qui avortent chaque année, c'est bien triste... que ça doive être un véritable drame psychologique pour elles. Non, que C'EST (forcément et obligatoirement) un DRAME dont elles ne se remettront que difficilement (si elles s'en remettent) !
Et aujourd'hui :
C'est contre ce discours là que le manifeste des filles des 343 s'élève, c'est ce que signifie le titre : j'ai avorté, et je vais bien, merci. L'idée, c'est que l'avortement est un droit, une option, et que ça ne signifie pas forcément traumatisme. Que parfois, c'est la bonne solution, et qu'on ne la regrette pas.
Alors comme ce discours, qui fait de l'avortement un drame dans toutes les circonstances, est un truc assez pervers, qui sous couvert de sollicitude donne de l'eau au moulin des mouvements pro-life, ce serait sympa d'aller faire un tour par là. Les centres IVG ferment en France, faute de moyens, de personnels, de soutien politique. Ce genre de liberté est fragile.
Ensuite, si vous avez envie de rester dans le sujet, vous pouvez lire deux bouquins de Martin Winckler. Le Chœur des femmes, 600 p qui se lisent vite vite vite et qui donnent la pêche, et La Vacation, qui est beaucoup plus court, mais qui se lit beaucoup moins vite, parce que parfois, il faut reprendre son souffle.
Si la partie histoire vous intéresse plus, je vous recommande chaudement Naissance d'une liberté, de Xavière Gauthier.
Il y a aussi l'émission Du Grain Moudre qui se demandait, le 11 avril dernier, si l'Église accordait - ou non - de plus en plus de place aux mouvements pro-vie. Émission que j'ai trouvé très intéressante, et qui me réconcilierait peut-être avec Caroline Fourest.
Voilà, moi qui voulais simplement faire un lien vers une pétition, j'ai encore pondu un article interminable... Sinon je viens de voir que la page Du Grain à Moudre est submergée (enfin, submergée, les commentaires de France Culture quoi) de commentateurs qui ont trouvé Carolien Fourest extrémiste et que l'avortement, c'est un crime. Il semble que le sujet attire les trolls, peut-être verrais-je les premiers débarquer ici. Mais bon, en guise d'avertissement, j'ai pas beaucoup de temps ces jours-ci, et donc absolument aucune patience pour ce genre d'activité. En clair, soyez sages, sinon je coupe :)
"qui me réconcilierait peut-être avec Caroline Fourest."
RépondreSupprimerquel est le problème avec elle?
Un de ses chevaux de batailles, c'est la Laïcité (majuscule volontaire).
RépondreSupprimerOr, sur ce sujet là, je trouve qu'elle a souvent des tribunes qui sont sur des positions proche de "riposte laïque", c'est à dire des gens de gauche, voire d'extrême gauche, qui à force de recherche de la laïcité pure, se trouvent finalement beaucoup de points communs avec l'extrême droite.(puisque la laïcité pure, c'est aucun signe religieux dans l'espace public autorisés, sauf ceux qui sont sécularisés depuis longtemps, donc chrétiens...du coup, le christianisme est légitime dans l'espace public au nom de la tradition, du patrimoine etc, mais le reste n'a pas droit de citée)
Bref, c'est un sujet qui permet de faire des glissements (relativement fréquents) entre les extrêmes, qui demande donc beaucoup de prudence et de rigueur, et je trouve que souvent, elle en manque sur ce thème là. Bilan, la chronique qu'elle a(vait?) le matin sur france culture m'a plusieurs fois suffisamment énervée pour que je me réveille complètement (et éteigne ma radio).
Je ne la voyais pas sous cet angle. Pour moi, elle a toujours tapé sur tous les extrémismes, qu'ils soient religieux ou laïcs. Dans le référendum suisse sur les minarets, elle a milité contre la mesure d'interdiction des minarets, arguant que les mosquées à minaret ne sont pas celles où se réunissent les extrémistes et que les minarets constituent un enrichissement du paysage architectural de nos villes. Sur le voile, elle est férocement en faveur de l'interdiction dans les institutions publiques, mais elle a aussi défendu un traitement égalitaire des signes religieux. Dans la comission sur le voile, elle a défendu une politique qui interdit le voile dans les institutions, mais s'est opposée à ce qu'on l'interdise dans la rue. Bref, même si je ne suis pas forcément d'accord avec ses prises de positions, je trouve qu'elle réussit assez bien l'exercice de maintenir une position équilibrée.
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