En ce moment, le Québec est en période électorale.
Résumé des épisodes précédents :
Depuis février 2012, les étudiants sont en grève contre la hausse des frais de scolarité de 75% décrétée par le gouvernement libéral au pouvoir (Parti Libéral du Québec, dit PLQ). L'intransigeance du gouvernement, au lieu de tuer le mouvement, lui a permis de grossir et de devenir une crise sociale qui devrait faire date dans l'histoire du Québec. Mais, après des mois de mobilisation intense, la fatigue ainsi que la torpeur estivale ont fait baisser l'intensité du mouvement. C'est ainsi en plein cœur de l'été que le parti au pouvoir a décidé de déclencher des élections, histoire de trouver une issue qui lui soit plutôt favorable.
images piquée quelque part symbolisant la course électorale, parce que ce billet manquait d'illustration. |
Ah oui, précision : ici, c'est le parti au pouvoir qui déclenche à sa convenance les élections, sachant qu'un même mandat ne doit pas excéder 5 ans. C'est aussi le parti en place qui redéfinit les contour des circonscriptions électorales en fonction de l'évolution de la population depuis le scrutin précédent.Oui moi aussi je trouve que question démocratie et répartition des pouvoirs, c'est problématique (les contours des circonscriptions, ça se fait ailleurs, en France notamment. Mais au moins les élections sont à date fixe). Ajoutons à cela que la médiatisation de la campagne électorale est partiale, plus précisément qu'aucune loi ne règlemente l'accès aux médias des différents partis en course. Sachant qu'en France, alors que la loi encadre précisemment le temps de parole des différents candidats à une élections, les journalistes trouvent que c'est une insupportable atteinte à leurs droits et trouvent des moyens de tricher, quand on ne règlemente pas, ça donne la situation québécoise. Concrètement, cela signifie que cette année 4 des 6 partis (je dis, 6, mais je sais même pas si le parti vert du Québec existe ou si c'est une légende en fait..) en compétition ont pu s'exprimer lors du "Débat des chefs", et que seulement 3 de ces 4 partis ont pu intervenir lors des "duels" organisés sur la chaîne TVA pour couvrir la campagne. Oui, parce que faire confiance à des chaînes de télévision privées pour maintenir la diversité de idées démocratique, ça marche vraiment bien.
Vous avez donc l'ambiance, nous pouvons reprendre :
Nous sommes donc ici en pleine campagne électorale, le scrutin est le 4 septembre prochain. Les affiches des candidats et candidates fleurissent sur les poteaux dans la rue, et on ne parle plus du mouvement social mais des élections imminentes. Et on s'inquiète du taux de participation - souvent faible - de la population en général et des jeunes en particuliers.
voilà, ça ressemble à ça des affiches électorales québécoises |
Précisons que dans les milieux ou je traîne ces temps-ci (étudiants, très à gauche, anarchistes pour certains ), on tient un discours trés sévère sur ces élections-ci et sur le système électoral en général (pardon, sur "l'électoralisme", je suis nouvelle, j'apprends le vocabulaire). Je vous conseille à ce propose le documentaire Anarchroniques, diffusé hier soir dans un parc montréalais. La bande-annonce est visible ici, et je ne désespère par de mettre la main sur le film complet un jour prochain. C'est conçu comme une introduction aux mouvements anarchistes et libertaires du Québec, c'est très intéressant. L'argument principal de ces militants abstentionnistes, c'est que le système de démocratie représentative n'est ni représentatif ni démocratique, et que tout les partis en jeux soutiennent le système politique, idéologique, tel qu'il existe, sans vouloir le changer, ni même l'imaginer. Au mieux, il s'agit de l'aménager pour qu'il soit plus vivable, ce qui, pour eux, ne peut être un but en lui-même.
Si la critique me semble sévère, elle commence néanmoins a susciter quelques échos chez moi. Le fait de ne pas pouvoir voter après avoir suivi et vécu le mouvement étudiant, sachant que le gouvernement élu aura des conséquences sur ma vie sans que je ne puisse rien y faire doit y être pour quelque chose...passons.
Où veux-je en venir avec cette -interminable- introduction ? J'étais ce matin dans le métro, et mon attention s'est porté sur les publicité qui ornent les murs des stations et des wagons. Des grandes photos, assez désenchantées, aux couleurs pas franchement joyeuses ont attirées mon attention. Ça change des images survitaminés qui poussent habituellement à consommer. Je regarde donc de plus prés ces photos de panneaux de circulations avec des flèches qui vont dans des directions différentes, chaise d'école abandonnée, ou encore sièges de wagons de métro. Elles sont ornées de textes au ton définitif : "L'heure des choix" (sur les flèches de circulations) "les absents ont toujours tort" (sur une chaise d'école abandonnée).
C'est la campagne de la direction générale des élections du Québec pour inciter les gens à aller voter.
Bien.
Je la trouve nulle.
Les photos sont tristes. Elles ont un côté ville désenchantée. C'est pas que cette esthétique me déplaise, mais elle me semble assez maladroite pour donner envie au citoyens de faire quelque chose. Je trouve que ça donne surtout envie de se cacher, de se retirer de ce monde triste, vide, qui nous est montré.
Les images sont sensée s'adresser aux citoyens, elles déshumanisent le vote : pas un visage humain (ni même une main, un pied ou un quelconque morceau de corps humain)...On souhaite inciter des individus à voter en leur montrant des objets inanimés. Là encore, j'ai un doute sur l'efficacité du message.
J'ai dit que les couleurs étaient moches, je le maintien. Je vous renvoie à la page de la DGEQ pour voir la vidéo sensée donner à la population l'envie d'aller voter.
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ça c'est le temps que vous alliez voir
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Vous ne voulez pas vous asseoir dans une salle obscure sur des sièges miteux pour écouter quelqu'un vous dire quoi faire ? Non ? |
Et une chaise abandonnée au milieu de nul part ? Ça ne vous donne pas envie de participer ? |
Jamais ces campagnes ne disent précisément quels sont les contours du pouvoir du vote. Le vote est vertueux en lui-même, c'est une morale contemporaine, preuve que la démocratie fonctionne quel que soit le parti pour lequel on vote, et quel que soit la manière dont ledit parti agit une fois élu.
Le mouvement étudiant a répété pendant des mois que la démocratie ce n'était pas "voter une fois aux 4 ans" mais une action quotidienne. Cette campagne dit exactement le contraire : le vote c'est l'expression démocratique unique et ultime.
Sauf qu'il existe des partis qui sont contre la démocratie (je pense aux néonazis grecs qui sont entrés au parlement lors des dernières élections, par exemple) voter pour eux c'est maintenir la démocratie en vie ? Vraiment ?
Il existe aussi des partis, ou des représentants de ceux-ci qui sont élus sur des idées et qui en appliquent d'autres une fois au pouvoir..dans ce cas là (tellement fréquent que je ne sais pas quel exemple donner. C'est devenu tellement trivial que la formule "les promesses électorales n'engagent que ceux qui les croient" est devenue une ligne de conduite politique) le pouvoir de l'électeur a consisté à être victime d'un mensonge et à n'avoir aucune possibilité de sanctionner celui qui a menti, une démocratie comme ça, c'est étrange qu'elle ne fasse pas plus rêver, et ne donne pas plus envie d'y participer non ?
Nous sommes dans un train (ce sont des sièges du métro de Montréal) dont nous ne contrôlons pas la direction, et il nous revient de choisir si nous voulons aller dans cette direction en regardant dans le sens du train, ou en regardant dans le sens inverse. Mais quel pouvoir extraordinaire ! Choisir son siège ! Je sais pas ou va ce train et on ne me demande pas mon avis là dessus mais j'ai le droit que dis-je, le privilège, de choisir mon siège!! Telle que vous me voyez là, je me retiens de jubiler et je manque de défaillir d'enthousiasme!
Sans rire ? Les concepteurs de cette campagne se sont dit qu'avec une représentation aussi limitée du pouvoir que représente le vote ils allaient amener les électeurs à courir en masse vers les urnes ?? C'est ..euh.. risqué comme pari ?
Si on veut vendre le vote comme un outil de pouvoir, on met l'électeur dans la cabine de pilotage d'un avion. On lui donne le pouvoir et le contrôle non ? (décidément, la communication et le marketing me seront à jamais étrangers). À titre de comparaison, lors de la dernière campagne présidentielle française, on a pu voir ceci pour inciter au vote.
Je ne sais pas pour vous, mais je trouve la mise en scène plus
intelligente, avec tentative de représentation de la société française
et renversement du pouvoir.
Et puis on pourrait même, folie, s'interroger sur les causes
de l'abstention. Questionner la réelle représentativité du mode de
scrutin en vigueur, faire la comparaison entre les programmes politiques
et leur réalisation, s'interroger sur la pertinence d'avoir des élus
qui font de le politique leur carrière et qui peut-être, en perdent un
peu de vue les effets concrets de leur politique sur l'ensemble de la
population etc...
Mais bon, tout ça c'est partisan et surtout, ça oblige à nuancer le propos. Alors que ordonner "vote!" aux gens qui passent devant une affiche, ça a le mérite de la simplicité.
Pour en revenir aux sièges du métro, on donnera ceci dit à cette image le crédit du réalisme, involontaire probablement mais ne faisons pas la fine bouche. Parce qu'après tout, il est vrai que lorsque les orientation de politiques générales sont données par des traités internationaux signés sans contrôle de la population les marges de manœuvre des gouvernements élus sont trop faibles pour infléchir le fonctionnement global de la société. En Amérique du Nord, l'ALENA définie les règles économiques, et ainsi le fonctionnement social. On peut aussi penser en Europe aux différents traités de l'Union Européenne, au hasard Lisbonne, adopté après que la première version du texte - Traité Constitutionnel Européen - ait été rejeté par trois pays par voie référendaire : la France, les Pays-Bas et l'Irlande.
Tiens, peut-être que c'est ça qui contribue à l'abstention ? L'impression - ou la certitude - des électeurs que leur vote, qu'on leur présente comme une prise de pouvoir, n'a finalement que peu de valeur quand les cadres généraux de l'économie sont déterminés hors de leur contrôle ? Que leur vote n'est pris en compte que lorsqu'il entérine des décisions déjà prises ?
Euh, si la démocratie vivante à ressemble à ça, on pourrait peut-être l'achever et commencer autre chose non ? enfin moi je dis ça... |
En conclusion de tout ça, je précise que je ne souhaite pas décourager ceux qui le souhaitent d'aller voter. Je ne pense pour ma part n'avoir manqué aucun scrutin français ou européen depuis mes 18 ans (ah si, les dernières élections cantonales dont, soyons franche, j'ignorais l'existence).
François Ruffin, dans Fakir, défend ici une position médiane , qui me plaît bien, entre le vote comme ultime et unique action démocratique et le refus complet du vote comme refus de cautionner le système en place. Je vous invite à aller jeter un œil, au passage vous pourriez découvrir un journal sympa.
Mais je me demande sincèrement qui pense que l'on peut convaincre les citoyens d'aller voter en se contentant de leur faire la morale, sans jamais tenter de comprendre pourquoi ils ne votent pas.
edit 31/08 : photos prises et intégrées à l'article.
Ne soyons pas totalement mauvaise langue, la petite fleur au milieu du béton avec le "ne jamais renoncer" est sympa. Mais enfin le reste... |
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