La semaine dernière, défilaient à Paris et dans certaines autres villes de France, des militaires au son du clairon, derrière le drapeau bleu blanc rouge. Fête nationale, hommage à l'armée nationale.
À peu près en même temps, sept soldats français se faisaient tuer en Afghanistan. Cette semaine, lors d'une grande cérémonie, la nation française rendait cette fois-ci hommage à ses morts.
Occasion pour chacun de se rappeler que ces temps-ci, la France est en guerre, sur plusieurs fronts, et que, au passage, aucune de ces opérations n'a donné lieu à un véritable débat national. Alors que l'on a passé six mois à discuter du concept extrêmement flou et volatil d'identité nationale, qui n'a bien évidemment débouché sur rien.
L'État ne tient apparemment pas vraiment à ce que les opérations militaires nationales soient posées sur la place publique. On notera que pour les choix énergétiques on suit exactement la même politique. Et sur la politique africaine également. C'est peut-être une piste pour cette idée d'identité nationale en fait...
Toutefois, si l'État peut ne pas souhaiter mettre sous le feu des projecteurs ses engagements guerriers, on pourrait s'attendre à ce que la presse (ce fameux quatrième pouvoir) s'en charge à la place, et que, si le débat sur la légitimité de la France à s'engager dans des guerres n'a pas lieu à l'Assemblée nationale, qu'il se déplace dans les colonnes des journaux.
Or, dans les médias français, les guerres dans lesquelles nous sommes engagés (oui, « nous », armée française, engagée dans des guerres « au nom du peuple français ») sont traitées majoritairement par des reportages « embedded », et sinon relégués en fin de journal.
Ce sont deux problèmes différents, mais qui tout deux obscurcissent le traitement de cette actualité militaire.
Les reportages « embedded » posent un souci tout simple : il s'agit de reportages faits par des journalistes embarqués avec l'armée. Constamment aux côtés des militaires, ils ne voient la guerre que de leur point de vue. Ils permettent d'obtenir un point de vue important sur les conflits en cours, tout en garantissant une certaine sécurité aux journalistes. Toutefois, si ces reportages ont leur légitimité, ils ne peuvent constituer les seules sources d'informations sur ces différents fronts, sous peine de devenir de la simple propagande.
D'autres reportages, qui tentent de donner la parole aux deux côtés, existent, mais sont souvent relégués dans les dernières pages des journaux ou les derniers sujets des nouvelles télévisées. Ils font aussi l'objet de livres.
Mais ces derniers travaux souffrent d'un handicap terrible dans le système médiatique : ils ne font pas la une, et ne sont pas repris par les éditorialistes des médias qui, bénéficiant d'une audience large à la fois dans le média ou ils écrivent, mais aussi sur tous les plateaux télévisés ou ils sont régulièrement invités, garantissent au sujet qu'ils relaient, une forte écoute.
Or, ces « éditocrates » semblent passer plus de temps à disserter sur l'affaire DSK (et ses rebondissements ô combien passionnants) plutôt qu'à poser la question du rôle français en Afghanistan ou en Libye. Il est d'ailleurs symptomatique que, lors de la libération récente des deux journalistes de France-Télévision, retenus en otage pendant 18 mois en Afghanistan, les médias ne se soient majoritairement concentrés que sur l'aspect émotionnel de leur retour, sans se poser la question de leur action sur place.
Alors si certains veulent à la fois avoir des informations sur ces conflits, et tenter de saisir ce que sont ces écrans de fumée qui masquent l'information sur ce sujet, qui les fabriquent, et quelles sont les limites auxquelles les journalistes se heurtent, et lesquelles ils se créent, c'est sur @rrêt sur images qu'il faut aller (oui, comme toujours.) Le site d'information/décryptage des médias a décidé, cet été, de regarder la guerre en face. Allez voir le programme, je le trouve alléchant, à défaut d'être distrayant : débat avec de militaires et des journalistes spécialisés dans les affaires militaires, témoignage d'Hervé Ghesquière (reporter de guerre, ex-otage tout juste libéré), interview de photographes de guerre.
Évidemment, c'est sur @rrêt sur images, donc sur abonnement, le site ayant fait le choix de garantir son indépendance en n'étant financé que par les abonnements. Je répète, encore et toujours, que ça vaut largement la dépense (3 € par mois, ou 35 € par an. 15 € si vous êtes étudiant.). Et l'information de qualité, c'est comme le reste, ça se paye.
Toutefois, si vous avez peur de sauter dans le bain sans connaître la température de l'eau, je dispose de 3 parrainages à distribuer, donc 3 fois 1 mois gratuit, à qui les veut, dites-le-moi simplement dans les commentaires, et disons que les premiers arrivés seront les premiers servis !
comment parler de la guerre? mon premier réflexe, c'est de répondre: 50 ans plus tard à partir de sources de première main et d'un cadre concepturel original... est-ce que ça s'appelle de la déformation professionnelle?
RépondreSupprimerdéformation professionnelle, possible oui :p
RépondreSupprimerMais si travailler sur les événement 50 ans plus tard est utile et nécessaire (en plus de justifier notre existence), rapporter l'information de ce qui se passe "en ce moment" est tout de même quelque chose d'important pour le fonctionnement d'une société démocratique (surtout dans le cas d'un événement aussi important qu'une guerre engagée au nom d'un pays), non ?
Bref, J'ai l'impression que les historiens ont une relation équivalente avec les archivistes et avec les journalistes, de loin ça semble être des boulots plutôt proches, mais à y regarder de plus prés, on poursuit des buts différents. Bon c'est pas tout ça, j'ai des archives à lire moi...
t'inquiète, je suis entièrement d'accord. D'ailleurs, j'ai cru comprendre que les parasites qui accaparent presque tout le budget de recherche en histoire contemporéanistes affectionnent de travailler en lisant des vieux journaux (du moins, certains d'entre eux), donc il faut bien leur faire leurs sources (d'un autre côté, leur enlever des sources pourraient être une belle revanche)...
RépondreSupprimerah, zut, le passage barré n'apparaît pas barré, ça rend mon message confus et le côté comique s'y perds. Alors changement de loisir avec une devinette simple: quelle partie du commentaire précédent devrait être barrée?
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