jeudi 7 juin 2012

Diplomatie de gravillon

Ouvrir le site de La Presse, c'est une déclaration d'amour à la procrastination. Glander sur les sites d'info, c'est une manière comme une autre de ne pas écrire la thèse (écrire des billets de blog aussi), mais au moins, on peut espérer y apprendre quelque chose.
La Presse, c'est autre chose. Depuis le début du conflit étudiant, à part quelques chroniqueurs, le journal affiche clairement son parti pris pour le gouvernement. Éditorialistes poussant le gouvernement à maintenir la ligne dure, sondages frauduleux en Une, un journal de qualité.. Tout ça pour dire que me promener volontairement sur ce site, c'est chercher désespérément un lieu ou ne pas travailler, en espérant y trouver une lecture amusante, c'est dire le niveau de détermination qui anime ma volonté de ne rien faire de constructif aujourd'hui.

Pourquoi cette longue introduction ? Hé bien pour introduire, justement, cet article. Nouvelle cruciale, le premier ministre canadien a été reçu par le nouveau président français.

Article en deux parties. On commence par le gros morceau, l'important, la raison de la rencontre : les positions économiques des deux chefs d'État. 
Harper est présenté comme «le chantre de la rigueur budgétaire»  (c'est normal, il est de droite ) et Hollande et le «partisan de la croissance» (ce qui doit donc tenir lieu de position de gauche). Pas de panique toutefois, tout le monde parvient à se mettre d'accord puisque, de la bouche de François Hollande : «Nous partageons ce double principe : nous devons avoir plus de croissance mais pour avoir plus de croissance, il faut aussi plus de stabilité, c'est ce qui sera discuté au G20». 

Une fois ces grandes différences politiques exposées, la seconde partie de l'article, (qui fait à peu prés le même nombre de mots) s'intéresse aux subtilités du protocole.
On apprend alors que Stephen Harper est arrivé à pied, que François Hollande a marché sur le gravier de l'Élysée, que les deux hommes se sont retrouvés à mi-chemin.
On obtient en exclusivité la réaction d'un photographe «vieil habitué des lieux», grâce à qui on apprend que c'est une scène inhabituelle :  «En 30 ans d'Élysée, je ne me souviens pas avoir vu un dirigeant étranger arriver à pieds»

Est-ce que cet article méritait un post de blog ? Peut-être pas, mais n'oublions pas que, d'une part, je n'ai aucune envie de me pencher sur ma thèse. Et puis surtout, cet article insipide m'a bizarrement semblé digne d'intérêt. 

Dans sa composition en premier lieu : 50% de fond, 50% de forme sur la rencontre. 
Je trouve déjà la proportion gênante, mais peut-être ais-je mauvais esprit.

Le souci, c'est qu'à la lecture de ce bref texte, j'ai eu l'impression d'en apprendre plus sur les questions de protocole que sur les positions politiques des élus. Une vague opposition croissance VS rigueur posée en ouverture de l'article résolue 150 mots plus tard. Une conclusion en forme d'élipse qui nous mentionne que «La situation en Syrie, en Iran et le prochain sommet de Rio sur le développement durable et les changements climatiques ont aussi été évoqués.». Comme si ces sujets ne méritaient pas de développement, comme si la position canadienne sur le protocole de Kyoto ou la côté vas-t'en-guerre de Harper, face à la volonté de Hollande de faire revenir les troupes française d’Afghanistan,  ne méritaient pas quelques questions. 
Mais à la fin de cet article, on en sait plus sur le gravier de la cour de l'Élysée.

C'est pas du journalisme, c'est un exercice d'enfumage.

Il est fort possible que la déclaration de Hollande n'ai pas donnée beaucoup plus d'informations, mais c'est pas le boulot des journalistes de poser des questions ? Et si c'est une déclaration à la presse sans questions, ça ne serait pas le rôle de celui qui rapporte la situation de le préciser ? De dire que justement, on aurait aimer des précisions sur tels ou tels points qui ont été laissés de côté par les chefs d'État ?
Non, à la place on sait que Harper est allé donner une conférence devant des drapeaux "unifoliés"et que Hollande a parlé seuls aux journalistes (est-ce une indice d'une relation diplomatique tendue ? Ou pas ? Bordel à quoi ça sert d'avoir des journalistes informés si personne ne nous décrypte ça? ).

Mais c'est vrai, malgré des positions politiques qui s'affichent opposées, Hollande et Harper semblent si facilement trouver un terrain d'entente, peut-être que ce miracle suffit à aveugler les journalistes..