Comme les journalistes ont manqué les débuts de la révolution tunisienne, il est hors de question qu'ils laissent passer la « contagion » égyptienne. En conséquence, fleurissent dans les différents journaux articles et analyses sur la situation égyptienne. ( Et du coup, à part chez OWNI, on ne trouve plus grand-chose sur la Tunisie... )
Sans tomber dans le travers des journalistes occidentaux qui, depuis que les connexions internet haute vitesse se sont répandues, voient dans tout évènement utilisant twitter ou facebook, une nouvelle manière de faire les choses (au hasard, une nouvelle manière de faire la révolution), constatons tout de même qu'internet permet la diffusion de l'information, même lorsque celui-ci est coupé. Le site de Libération héberge donc depuis quelques jours un nouveau blog, Cris d'Égypte, donc je recommande la lecture à qui passerait par ici (gain de trafic pour le blog en question, 2 lecteurs ?). Une vision de ce qui se passe au Caire, vu du sol.
Petite réflexion personnelle sinon. Plus haut, j'ai mis en lien une chronique d'Anne-Sophie Jacques sur le site d'@rrêt sur images (oui, il faut être abonné pour avoir accès, mais @si c'est bien, c'est bon, mangez-en et abonnez-vous). Bref, dans cette chronique, Anne-Sophie s'intéresse à l'Étymologie du mot contagion, repris en boucle par les médias cette semaine. La fameuse « contagion démocratique ». En remontant l'étymologie, on rencontre les mots proches de contagion, dont contamination.
Pourquoi ne parle-t-on pas de « contamination démocratique » ?
Anne-Sophie (oui, en étant abonné-e à @si vous prenez l'habitude d'appelez les membres du site par leurs prénoms comme si c'était vos potes), Anne-Sophie donc, explique le dédain pour « contamination » avant tout par l'affaire du sang contaminé qui a rendu le mot un peu sulfureux dans les journaux français. Mais elle note aussi la différence de sens entre la contagion, qui a lieu sans que le malade ne s'en rende compte, et la contamination, qui suppose l'action du malade pour infecter une personne saine.
Certes, la Tunisie n'a pas refilé un virus à l'Égypte. Et puis parler de la démocratie comme d'une maladie, ça sonne mal. Il n'empêche, la contagion c'est passif, contaminer, c'est actif. Comme si les Égyptiens — en l'occurrence — avaient attrapé un virus révolutionnaire sans y prendre garde, sans qu'ils n'y aient eu de choix, et que, mus par une force invisible, ils se soient rendus dans les rues pour manifester et tenter de faire tomber par magie le régime actuel.
Or il me semble que non, on ne fait pas une révolution sans s'en rendre compte. Possible qu'on se laisse emporter par les évènements, mais pour cela, il faut déjà qu'évènements il y ait. Et qu'à un moment, des gens choisissent de sortir manifester, alors qu'en face d'eux se trouvent des hommes armés, qui tirent sur les manifestants, pour de vrai. Et que le soutien international est hésitant (on vous soutiendra quand vous aurez déjà bien assuré la situation les gars... en attendant, on va regarder ce qui se passe et surtout pas se mouiller). Demeurer dans un régime autoritaire c'est irrespirable, mais risquer sa vie pour changer les choses, c'est extrêmement dangereux, violent et courageux.
Juste parce que ce qui se passe en ce moment en Tunisie, en Égypte, demande une sacrée dose de témérité, et que même si tout le monde s'en fout, parler de «contagion» ou encore limiter cette révolution à twitter, ce n'est pas leur rendre justice.Au passage, la «révolution de jasmin» est une appellation qui semble déplaire aux Tunisiens (je retrouve pas le passage exact de l'émission). D'une part parce que le jasmin serait symbole de soumission, d'autre part parce que c'est le nom donné à la révolution précédente, en 1987, qui a donnée naissance au régime de Ben Ali. Donc bon, autant faire gaffe.