jeudi 20 janvier 2011

Humains / Animaux (je suis nulle en titre)

Une émission de Radio Creum, un bouquin discuté au Masque et la Plume, et une émission Du Grain à Moudre. Le tout en une semaine, ça donne l'impression que la question du rapport entre les humains et les animaux est un sujet qui intéresse beaucoup de monde en ce moment 
(C'est probablement faux, et bien plus sûrement dû à un hasard qui m'a fait sélectionner ces podcasts-là ces derniers jours, mais on s'en fiche non ? Ça me fait un sujet pour écrire ici et ne pas faire mon travail)

Donc, Sous le radar [l'émission de radio du CREUM, Centre de Recherche en Éthique de l'Université de Montréal] parle des végétariens, et se demande si il existe une justification morale au fait de manger de la viande. Y sont interviewées quelques personnes végétariennes, et la manière dont elles organisent leur vie, ce qui les a amenés à faire ce choix. Si les réflexions sont intéressantes, l'émission garde un parfum de... je ne sais pas... morale ? Auto-satisfaction ? L'affirmation « être végétarien est un comportement responsable » qui est à peine nuancée par l'idée que manger de la viande pas plus de deux fois par semaine serait aussi un comportement responsable... bref, à l'écoute ça m'a semblé un peu univoque, mais c'est peut-être ma qualité de carnivore vaguement culpabilisée qui ressort. 
Dans l'ensemble, l'écoute de cette émission donne l'impression que les choses changent, que même si les végétariens doivent supporter certaines moqueries, elles demeurent bénignes, et surtout, que même si tout le monde ne les a pas encore rejoints, c'est en bonne voie.

En écoutant Le Masque et la Plume critiquer Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer, on change de monde. Plus exactement, on a l'impression de revenir en arrière. Les critiques se divisent en deux. D'une part ceux (plus exactement, celles) qui ont été émues par le sort fait aux animaux élevés en batterie, ou choquées d'apprendre que plus de 90 % de la viande vendue est issue d'élevage industriel. D'autre part ceux qui soutiennent que l'on n'apprend rien dans ce livre qui n’ait été montré cent fois à la télévision, que c'est une démonstration « à l'américaine » (ce qui, dans la bouche d'un critique français, est une insulte) et que toute cette agitation autour du sort des animaux ne sert qu'à occulter la douleur de la laitue, arrachée à la terre pour le plaisir de nos papilles.
Autant le ton des détenteurs de la vérité de radio CREUM me mettaient un peu mal à l'aise, parce que dérangeantes, autant les réflexions des critiques (Arnaud Viviant en l'occurrence) me semblent simplement stupides. L'impression d'un monde qui ne veut surtout pas se poser de questions.

Or, l'introduction de l'animateur du Masque précise bien que la question des relations humain/animal est en plein développement dans le monde intellectuel. Et lorsque France Culture, dans Du grain à moudre, demande « les animaux font-ils les frais de l'humanisme ? », ce sont sous les étiquettes sciences et philosophie que le débat est rangé, avec comme invités un théologien, un philosophe, un biologiste et un historien.

On retiendra donc que l'intervention de Arnaud Viviant prouve que ces réflexions ne sont pas encore parvenues à l'ensemble de la société — en tout cas française — et que les intellectuels sont toujours en décalage avec leur époque.
Le débat sur France Culture est, comme souvent, intéressant, nuancé. L'intervention de l'historien, qui replace les cohabitations entre humains et animaux au cours des derniers siècles, est particulièrement intéressante.

Mais, alors que je l'écoute d'une oreille, je ne peux m'empêcher de penser à un bouquin que je lis ces jours-ci. C'est écrit par Sophie Bessis, et ça s'appelle L'Occident et les autres, Histoire d'une suprématie. Rien à voir là-dedans avec les animaux, mais une réflexion sur la manière dont l'Occident, en définissant les normes de l'universel, le modèle à son image et exclut de sa définition une bonne part de la population, celle qui n'est pas blanche/chrétienne pour faire court (pour une version longue, et brillante, on clique sur le lien plus haut, et on lit Mona Chollet.). 
Du coup, c'est un bouquin qui parle pas mal de l'altérité, et de la manière dont l'occident, dominant, entretient sa domination à coup de définition de normes, faite sur mesure pour lui, qui lui assure que les « autres » resteront bien des « autres », dont on peut légitimement se méfier, et donc exploiter... pour leur bien...

Quel est le lien avec les paragraphes plus haut ? Bon, je ne me l'explique pas moi-même pour être honnête.
Mais, dans ces discours sur les animaux, dans ces interrogations d'intellectuels sur les thèmes « qu'est-ce qui différencie un humain d'un animal ? » et « que peut-on moralement faire aux animaux ? », je vois une ressemblance frappante avec les interrogations des intellectuels des XVIIe-XVIIIe siècles, sur l'humanité des Indiens, celles des noirs, et puis les variantes sur la nécessité de l'esclavage pour l'économie et la bonne santé des blancs ... Autant de questions qui apparaissent aujourd'hui, même pas dépassées, mais ignobles (pas pour tout le monde, ok, mais on peut imaginer un instant que ces gens-là n'existent pas ? Juste un instant, ça donne de l'air).

Je ne sais pas si ça veut dire que d'ici 200-300 ans l'idée de manger de la viande animale soulèvera autant d'indignation que celle de l'esclavage aujourd'hui. J'ai énormément de mal à le concevoir, tellement manger de la viande animale m'apparaît comme quelque chose de naturel, voire de nécessaire au corps humain. Pourtant, il y a des gens qui s'en passent, et sont en bonne santé. Donc ce sont des certitudes qui ne sont peut-être que des croyances... C'est perturbant comme pensée non ?

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