mercredi 5 janvier 2011

la poursuite de l'inaccessible

You can read about women who are unforgettable, disaming and no-so-quiet sensation,
or  become one wearing new MYSTRECE


Dans les dossiers de mon ordinateur se trouve une série de fichiers (articles écrits, vidéos) ayant pour objet le corps des femmes, ses représentations et perceptions dans la société. 
J'ai de plus, dans un carton de bouquins laissés en France, quelques ouvrages sur ce thème.

Je suis féministe (comme devrait l'être, me semble-t-il, toute jeune femme née dans les années 80 et ayant reçu un minimum d'éducation et disposant de droits auxquels sa grand-mère n'avait pas accès. Pourquoi n'est-ce pas le cas ? Ça m'échappe, faudrait réfléchir là dessus un jour), et historienne (en herbe) du corps.

Or, peut-être est-ce justement dû au croisement de cet engagement politique, et de cette spécialisation « professionnelle », mais je suis persuadée que le corps des femmes, et son contrôle, est une question cruciale. D'un point de vue politique, religieux ou encore médical, tout ramène au corps des femmes, au contrôle de celui-ci, par les hommes ou par elles-mêmes :

— du XVIIe au XXe siècle, dans les pays catholiques (et ça fait un paquet) on a enfermé dans des prisons religieuses des femmes ayant fait librement usage de leur sexualité, et donc de leur corps.
— Au XIXe siècle, la médicalisation des hôpitaux, jusque-là domaine des sœurs hospitalières, fait apparaître dans les murs des Hôtels-Dieu des médecins. Ceux-ci s'appliquent notamment à exclure de la pratique médicale les sages-femmes, les faisant apparaître comme des femmes sans hygiène ni connaissances médicales. Aujourd'hui encore, c'est une profession qui souffre d'un manque de reconnaissance assez délirant délirant .
— En 1920, en France, on vote une loi qui non seulement interdit l'avortement, mais assimile la contraception à l'avortement. Cette loi est renforcée dés 1939 par le gouvernement du Maréchal Pétain et, en 1942, l'avortement devient un crime d'État.
— Lorsqu'en 1975, la loi Veil autorise en France l'Interruption Volontaire de Grossesse, c'est suite à des années de militantisme (du MLAC, notamment) et surement pas par bonté d'âme de la part du gouvernement français.
— Bien que l'Union Européenne soit une des régions du monde qui protège le mieux les droits des femmes, 4 pays de l'UE (Irlande, Pologne, Malte et Chypre, pour ne pas les nommer) font de l'avortement un acte illégal. Et dans les pays qui l'autorisent, le nombre d'établissements hospitaliers le pratiquant est en chute libre

Bon, ma mini chronologie (largement et volontairement incomplète) porte, je m'en rends compte, presque exclusivement sur les aspects sexualité/reproduction du corps féminin (c'est sexy dit comme ça hein?). 
Mais le corps est aussi contrôlé sur d'autres aspects, notamment via l'esthétique, la représentation du corps, bref, la mode.

Oh ce n'est pas un sujet nouveau, ni même un sujet exclusivement féminin. Je dois finir une recension pour dans un mois sur une histoire de l'Obésité qui court du XIIe au XXIe siècle.

Mais je maintiens, le contrôle du corps par l'État ou toute autre entité sociale, s'adresse principalement aux femmes.
C'est particulièrement clair lorsqu'on regarde la loi de 1942, qui fait de l'avortement un crime d'État : le corps des femmes appartient donc à la nation. De la même manière, lorsque la IIIe République française voit le jour, une manière d'assurer sa légitimité, c'est de proclamer que les femmes républicaines et laïques sont aussi vertueuses, et même plus vertueuses, que les catholiques ferventes. J'avoue avoir toujours eu du mal à comprendre en quoi la vertu (des femmes, toujours et uniquement des femmes) pouvait être garante de la qualité d'un régime politique, mais force est de constater que ça revient régulièrement comme idée (voir là-dessus Savonarole et sa théocratie florentine, ou, plus prés de nous, les régimes islamistes. En profiter pour relire Marjanne Satrapi au passage).

[ Cette note aborde trop de choses et ne va nulle part. ]

Donc je pense qu'il y aura plusieurs articles sur ces thèmes sur ce blog. Mais pour aujourd'hui, on va arrêter là cette introduction sans fin, et passer à ce dont je voulais parler aujourd'hui : le corps des femmes dans la publicité.

D'une part, deux excellents articles de Mona Cholet :


Comme je suis légèrement obsessionnelle, j'ai lu certains des ouvrages dont il est question, à savoir Fatema Mernissi, Le harem et l'Occident et Eve Ensler, The Good Body.
Les deux ouvrages offrent une vision complémentaire du contrôle du corps des femmes. Chez Fatema Mernissi, on aborde la manière dont les hommes contrôlent les femmes, par leur corps, dans l'espace public. Avec Eve Ensler, c'est comment les femmes, en se concentrant sur le contrôle de leur corps ( perdre de la graisse, changer le volume des seins, refaire le visage) dépensent une énergie et des sommes d'argent considérables dans un projet sans fin, dans un but inaccessible : le corps parfait.
Un but aussi inaccessible, au passage, que le modèle proposé par l'Église catholique aux femmes : Marie, à la fois vierge et mère. Cette équation insoluble à l'avantage de justifier la place inférieure des femmes dans le monde catholique, puisque toutes les mortelles qui se risqueraient à égaler le modèle ne peuvent qu'échouer.

Si les femmes qui tentent d'égaler la vierge Marie sont aujourd'hui rares (en tout cas, dans les gens que je fréquente, je sais pas pour vous), celles qui se mesurent quotidiennement à un modèle de beauté tout aussi inaccessible sont légions.

À ce propos, la démonstration de Jean Kilbourne, dans ses films « Killing Us Softly » (1 à 4), qui s'intéresse au corps des femmes dans la publicité, est éclairante. Traduction de son introduction par mes soins :

La publicité est le socle sur lequel s'appuient les médias de masse. Le premier objectif de ces médias de masse, c'est de vendre des produits. La publicité vend en effet des produits, mais elle vend bien plus que ça. Elle vend des valeurs, des images, elle vend des représentations ce que sont l'amour, la sexualité, le romantisme, le succès, et peut-être le plus important de tous, de ce qu'est la normalité. De manière générale, la publicité nous dit qui nous sommes, et qui nous devrions être.
Qu'est-ce que la publicité nous dit aujourd'hui sur les femmes ? Elle tient exactement le même discours depuis 10, 20, 30 ans : ce qui est le plus important pour une femme, c'est son apparence. La première chose que fait la publicité, c'est de nous entourer d'images de beauté féminines idéales. Nous apprenons donc très rapidement à quel point il est important pour une femme d'être belle, et de mettre tous les moyens en œuvre pour y parvenir. Les femmes apprennent très jeunes qu'elles doivent dépenser énormément de temps, d'énergie, et surtout, d'argent, pour tenter d'atteindre cet idéal, et se sentent honteuses et coupables lorsqu'elles échouent. Et l'échec est inévitable, parce que l'idéal est basé sur un mensonge. [Le visage du modèle] n'a jamais la moindre ride, et elle n'a bien évidement aucune tache ou cicatrice, en fait, elle n'a même pas de pores.



Un extrait du film, disponible sur google video dans son intégralité. Cependant, pour des raisons obscures, probablement liées à mon inexpérience dans le monde de l'informatique, je suis dans l'incapacité totale d'intégrer la vidéo complète. Ceci dit, en tapant "Killing Us Softly 3" dans google video, vous devriez tomber dessus, ça dure 34 min.

3 commentaires:

  1. Sujet qui me passionne également, je lirai religieusement tout ce que tu écriras à ce propos.
    Tu arriveras peut-être à répondre à la question qui me turlupine : "Pourquoi/Comment ce qui était autrefois signe de beauté et de richesse (le gras) est-il devenu quelque chose de laid et répréhensible ?"
    (Je te ferai pas de dessin sur le pourquoi je m'intéresse à la question ^^)

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  2. Alors tu peux jeter un œil à Vigarello, Les métamorphoses du Gras, une histoire de l'obésité. Ça va à l'encontre de nos idées reçues, mais il conclut de ses recherche que le gros a rarement été synonyme de réussite. On pense souvent aux tableaux de Rubens qui représentent des corps de femmes généreux, et on s'appuie dessus pour justifier cette idée : on aimait les femmes rondes/grosses, la preuve, regardez Rubens. Vigarello insiste sur le fait que lorsque ce même peintre fait des portrait de personnes réelles, et non des allégories, on retrouve les traits fin, la taille fin, le contrôle des formes etc... Conclusion de l'historien : les allégories de Rubens ne représentent que ses goûts personnels, les femmes du monde réel s'appliquent des normes de minceur.

    Deuxième point, qui découle du premier d'ailleurs : c'est genré.
    Exemple : si au XIXe siècle, on valorise le ventre du bourgeois, la bourgeoise est elle enfermée dans un corset. Si le gras est symbole de pouvoir, il sied assez logiquement plus aux hommes qu'aux femmes qui doivent être fragiles, donc minces.

    Le laid et le répréhensible ne sont donc pas nouveaux, et à partir du XXe siècle, l'engouement pour le sport permet de continuer à valoriser la minceur, mais cette fois, on ne doit plus l'obtenir grâce à des vêtements du type corset, mais avec la pratique du sport, minceur qui doit désormais être "tonique" (oui je sais, c'est presque pire).

    moralité, si on veut une société qui valorise le gras pour les femmes, il faut être en position de pouvoir.

    Y aurait aussi à dire sur le rapport beauté/santé. Ce qui est sain est beau donc ce qui est beau est sain donc si on est en forme on est mince donc on est beau donc si on est mince et beau on est en bonne santé etc...et on arrive à des normes de minceur mauvaises pour la santé, et à l'idée que le gros amène forcément des gros problèmes de santé, la justification médicale étant souvent légère. Tu connais ça : http://kateharding.net/ ?
    Le site est fermé mais il y a de la lecture, c,est un blog collectif qui aborde notamment le mouvement "fat acceptance"

    bon, c'est un commentaire sans fin, j'arrête! merci d'être passé par ici :)

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  3. Et merci à toi pour cette réponse :)

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